Le Congrès démocrate accepte depuis novembre l'invitation constitutionnelle à lutter pour définir la politique étrangère américaine. Il a d'abord directement contraint l'administration républicaine par ses pouvoirs de législation. Il l'a ensuite indirectement influencée par ses pouvoirs de nomination. Il a finalement persuadé le président Bush de faire du Rapport Baker-Hamilton le fondement d'une nouvelle politique irakienne qui a vocation à forger un consensus bipartisan durable sur la stratégie de sortie de conflit en Irak.
Le Congrès démocrate a d'abord directement contraint l'administration républicaine par ses pouvoirs de législation. Certes, représentants et sénateurs ont in fine autorisé une allocation budgétaire de 100 milliards de dollars pour la conduite des opérations militaires en Irak et en Afghanistan. Les démocrates opposés au projet de loi – dont la présidente de la Chambre (Nancy Pelosi) et les principaux candidats à l'élection présidentielle (Hillary Clinton et Barack Obama) – ont échoué à insérer une date pour le retrait des forces américaines d'Irak. Mais le président Bush a dû concéder pour parvenir à un compromis de cohabitation et clore plus de trois mois de rivalités institutionnelles entre la Maison-Blanche et le Capitole. Il a accepté de: 1) conditionner les futurs soutiens au gouvernement irakien au franchissement d'étapes politiques, sécuritaires et économiques sur la voie de la réconciliation nationale, du progrès sécuritaire, de la bonne gouvernance et de la reconstruction économique; 2) commander un audit indépendant du gouvernement et des forces de sécurité irakiennes; 3) publier deux rapports (en juillet puis septembre) sur les progrès de sa stratégie en Irak. Surtout, la majorité démocrate a élargi le champ du débat en rendant l'option stratégique d'un calendrier pour le retrait politiquement acceptable.
Le Congrès démocrate a ensuite indirectement influencé l'administration républicaine par ses pouvoirs de nomination. Le secrétaire à la Défense a dû renoncer à recommander au président de renommer l'actuel président du comité des chefs d'état-major pour un second mandat de deux ans car il anticipait que l'association du général Peter Pace au conflit irakien (depuis 2003 en tant que vice-président puis président du comité des chefs d'état-major) polariserait la procédure de confirmation du premier conseiller militaire présidentiel par le sénat sur l'enjeu de la (mauvaise) gestion de l'intervention extérieure. Robert Gates parachève ainsi le remaniement de l'équipe responsable de la politique irakienne. Seul demeure le président.
Le Congrès démocrate a finalement persuadé le président Bush de faire du Rapport Baker-Hamilton publié en décembre 2006 le fondement d'une nouvelle politique irakienne officielle qui a vocation à forger un consensus bipartisan durable sur la stratégie de sortie de conflit en Irak. Suivant les recommandations de l'Iraq Study Group, l'administration républicaine cherche à internationaliser la stabilisation extérieure et à nationaliser la stabilisation intérieure de l'Irak pour négocier avec toutes les parties prenantes du conflit, responsabiliser le cabinet Maliki, réduire les violences insurrectionnelles et inter-communautaires et amorcer le désengagement des troupes américaines. La nouvelle stratégie diplomatique, politique et militaire consiste à solliciter le soutien de l'ensemble des acteurs – internationaux (Nations Unies, Union européenne, Japon), régionaux (voisins volontaires) et nationaux (groupes armés nationalistes, insurgés sunnites comme miliciens chiites) – qui ont un intérêt mutuel à agir pour stabiliser l'Irak, tout en sécurisant la population civile, en renforçant le gouvernement, en purgeant les institutions publiques, en confinant les radicaux de l'Armée du Mahdi, en marginalisant les insurgés djihadistes et en interdisant les infiltrations de troupes et de matériels organisées par Téhéran et tolérées par Damas. L'ambassadeur américain en Irak Ryan Crocker annonce que Washington est prêt à négocier avec les groupes armés chiites et sunnites qui optent pour la participation au processus politique conventionnel, y compris ceux responsables de la mort de soldats américains mais à l'exception de l'Organisation al-Qaida en Mésopotamie. (La résolution introduite par le sénateur démocrate Harry Reid et adoptée par 79 voix contre 19 en juin 2006 dénonçait encore la notion même d'une amnistie des responsables de la mort de soldats américains). Le commandant des troupes américaines en Irak, le général David Petraeus, autorise les commandants de bataillons et de compagnies non seulement à négocier des cessez-le-feu avec les insurgés, les miliciens et les chefs de tribus locaux, mais encore à assister au cas par cas la lutte armée de certains insurgés nationalistes contre les djihadistes. Le secrétaire à la Défense Gates recommande de réviser à la baisse les objectifs de la mission des États-Unis et d'inscrire la présence militaire américaine de stabilisation post-conflit dans la durée. Les troupes américaines délègueront la contre-insurrection et la stabilisation de Bagdâd pour se concentrer sur la formation-conseil des forces de sécurité irakiennes et le contre-terrorisme. Elles passeront de 146 à 100 000 soldats d'ici mi-2008. L'organisation à long terme de la présence militaire américaine sera décalquée des structures de sécurité mises en place en Corée du sud après 1953 avec l'établissement de bases semi-permanentes extra-urbaines. Quoique extrait par le Congrès démocrate et faisant dépendre Bagdâd (outre Riyad) de la garantie de sécurité de Washington pour sa sécurité intérieure, cet engagement militaire (présenté comme réversible sur demande du gouvernement souverain irakien) satisfait deux objectifs de l'administration Bush: pré-positionner des forces d'intervention rapide au cœur géopolitique de "l'arc d'instabilité" et insérer un tampon géostratégique entre Riyad et Téhéran.
Le Congrès démocrate influe désormais largement sur la stratégie de sortie de conflit en Irak en dominant sa confrontation avec l'exécutif républicain. Il confirme ainsi le basculement définitif du rapport de force institutionnel en faveur du Capitole et l'amorce d'une "présidence boiteuse" ("lame-duck presidency").