jeudi 18 décembre 2008

Caroline Kennedy, future sénatrice de l'Etat de New-York?

Si Caroline Kennedy présente de nombreux atouts pour occuper le siège de sénateur de l’État de New-York qu’Hillary Clinton laissera vacant après son entrée en fonction dans la nouvelle administration Obama, il lui faut encore surmonter plusieurs obstacles.

La prétendante appartient à l’influente dynastie politique des Kennedys. Unique enfant vivant de l’ancien président John Kennedy, elle est par ailleurs la nièce de l’ancien sénateur démocrate de l’État de New-York, Robert Kennedy, et de l’actuel sénateur démocrate du Massachussetts, Edward Kennedy ; et la cousine du représentant démocrate du Rhode Island, Patrick Kennedy. Porteuse d’un patronyme devenu un mythe politique nationalement voire mondialement connu, la sénatrice jouirait d’une renommée propre à lui permettre de lever des fonds à l’échelle nationale. En devenant le quatrième Kennedy à assumer un mandat électif, elle perpétuerait sa dynastie sur la scène politique nationale et assurerait la présence continue, depuis 50 ans, d’un des siens au Sénat. Cependant, son nom est un handicap. L’hypothèse de sa nomination conforte la perception d’une démocratie américaine reniant son idéal méritocratique pour une ploutocratie héréditaire voire dynastique. Un régime ploutocratique car le coût des campagnes électorales y est exorbitant. Celui de la victoire pour le siège de sénateur de l’État de New-York est par exemple estimé à plus de 60 millions de dollars. Et une dévolution héréditaire du pouvoir tant sont nombreux les exemples de conservation des mandats électifs dans le giron familial. Si le ticket présidentiel Obama-Biden est le premier depuis 1976 sur lequel ne figure ni fils ni petit-fils de sénateur, Hillary Clinton est une ex-première dame, le siège du sénateur Joe Biden pourrait revenir à son fils, Beau, et le principal rival de Caroline pour le siège de sénateur n’est autre qu’Andrew Cuomo, ministre de la Justice de l’État de New-York et héritier de l’autre clan new-yorkais influent, celui des Cuomos (il est le fils de l’ancien gouverneur Mario Cuomo). La fille du 35ème président peinera d’autant plus à dissiper le préjugé de népotisme qu’elle ne s’est jamais présentée devant le suffrage universel et qu’elle n’a pas cherché, jusqu’à récemment, à se façonner une image d’animal politique ambitieux par et pour lui-même.

Si l’avocate new-yorkaise – également auteur d’essais à succès et membre des conseils d’administration de plusieurs organisations caritatives et fondations philanthropiques (elle préside notamment la John F. Kennedy Library Foundation) – a été pendant près de 2 ans directrice des partenariats stratégiques des écoles de sa ville de New-York, deux années au cours desquelles elle réforma le dispositif des levées de fonds privés pour les écoles publiques (parvenant à lever sur son seul nom plus de 65 millions de dollars), elle n’a jamais exercé d’autre fonction publique. A fortiori, elle n’a jamais assumé de mandat électif. Son expérience de la chose publique se limite à ses multiples actions et activités caritatives, philanthropiques, culturelles et artistiques. Lorsqu’elle se double de plus d’une inexpérience économique – problématique au moment où l’État comme la ville de New-York sont déficitaires de plus de 15 milliards de dollars –, cette inexpérience politique pourrait la disqualifier pour occuper l’un des 100 sièges sénatoriaux.

La prétendante est descendue tôt dans l’arène de la campagne présidentielle en annonçant soutenir Obama dès janvier 2008, au moment décisif des primaires qui précède le « Super Tuesday », dans une tribune du New York Times[1]. Elle a ensuite joué un rôle public significatif dans la campagne en apparaissant lors de meetings, puis en dirigeant aussi efficacement que discrètement (avec le futur ministre de la Justice Éric Holder) le comité de sélection du vice-président pour le ticket démocrate. Devenue depuis une amie personnelle d’Obama, la sénatrice Kennedy jouirait d’un accès direct au président, accès privilégié qui pourrait lui permettre de faire (pré)valoir au mieux les intérêts de son État. Mais le camp des Clintons pourrait s’opposer à ce que l’héritage politique d’Hillary échoit à un Kennedy : même s’il avait par la suite reçu le soutien « compensatoire » de la cousine de Caroline, l’activiste des droits de l’homme Mary Kerry Kennedy, il n’avait guère apprécié que la première – bientôt suivie par son oncle Ted – endosse soudainement le challenger Obama.

Certes, pour le gouverneur démocrate de l’État de New-York, David Peterson, dont dépend en dernier ressort la nomination du ou de la remplaçant(e) de la sénatrice sortante, nommer Kennedy satisferait les groupes de pression féministes qui se mobilisent activement sur l’enjeu de la représentation des femmes en politique. Toutefois, l’influence de ces groupes doit être relativisée tandis que le gouverneur décisionnaire, à l’approche des élections de 2010, est soumis aux pressions contradictoires de nombreux groupes d’intérêt et fait face à une opinion publique échaudée par son scandaleux homologue de l’Illinois, Rod Blagojevich (appréhendé pour avoir essayé de « vendre » la nomination du successeur d’Obama au Sénat). Surtout que les représentantes démocrates de l’État de New-York, Carolyn Malaney et Kirsten Gillibrand, sont deux autres prétendantes, de surcroît expérimentées.

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Nommée sénatrice, Caroline Kennedy devrait encore rechercher l’onction du suffrage universel. Dès 2010, elle devrait se présenter lors de l’élection partielle spéciale destinée à lui permettre d’exercer les deux années restantes du mandat de Clinton ; puis en 2012, à l’occasion des élections sénatoriales générales en vue d’effectuer son propre mandat complet de 6 ans. Or, depuis 50 ans, si 80% des sénateurs sortants sont réélus, seuls 40% de ceux nommés le sont.